18 janvier 2008

Bob Dylan à Paris Bercy – 23 avril 2007


Dylan impressionne et, lorsque apparaît sa silhouette imprécise et son couvre chef immaculé de blancheur christique, les spectateurs se ruent contre la scène pour s'assurer que tout cela n'est pas un rêve. Aucun temps mort et un décor réduit à l'essentiel, les morceaux s'enchaînent et Dylan ne semble jamais épuisé. De brefs petits sourires surgissent de son masque émacié de vieux yankee quand les riffs de guitare se font saignant et la batterie entraînante. Le boss est à l'aise au milieu de l'énergie rassurante que distillent ses complices aux âges divers et au feeling toujours en alerte. Les solos sont inspirés, le karma bien présent et Dylan, voix moins aride qu'à l’accoutumer, fait des efforts de diction et ne cabosse pas les mélodies incomparables de ses plus beaux standards. Lorsqu’il dégaine son vieil harmonica, des cris de joie flirtant avec les larmes d'une émotion toute enfantine jaillissent.

Même si son public - témoins de l'âge d'or, curieux éparpillés sur les confortables fauteuils rouges d'un stade à la fraîcheur salutaire, kids au mimétisme vestimentaire affolant parodiant naïvement le Zimmerman de 66 - n'identifient pas toujours les morceaux joués, ils dansent spontanément sur des mélodies dont la fraîcheur recrée parvient à séduire les moins accoutumés à la variété musicale de l'Amérique profonde.

On mesurait dans l'empire romain la noblesse de rang aux nombres de plis que portaient la toge des notables - chez les monstres sacrés de la pop music, le nombre de rides que comporte un visage n'est pas du tout symbolique de sagesse, bien au contraire, Dylan est resté le diablotin délirant et cynique que son manteau protégeait du froid (Blonde on Blonde) et sa prose inédite des attaques irréfléchies du politiquement suspect. - Vers 23h, le vieil hibou paisible présente, dans un éclair d'humilité inattendue, les musiciens qui l'ont accompagné. Puis, le roi Dylan quitte la scène. Ses musiciens le suivent en file indienne.

Une fois l'incantation réussie, les rappels innombrables d'une salle au bord de la folie ne feront pas dévier la décision d'un vieux maître. Dylan est un apache désinvolte régnant sur une tribu de guerrier malicieux et tendrement pacifiques.

Au fait, ne trouvez vous pas que la « Girl of the North Country » a des petits airs de Liz Brown, un fameux poème de Thomas Hardy ?... Avis aux chirurgiens de l'histoire poétique.

Didier Boudet