31 juillet 2009

Bob Dylan et la Justice américaine - The Lonesome Death of Hattie Carroll

Dylan et l'oracle qui s'est indubitablement emparé de sa frêle silhouette interprètent une de ses compositions les plus bouleversantes, The Lonesome Death of Hattie Carroll. Il s’agit du récit d'un crime raciste dans le sud des États-Unis, d’une justice à deux vitesses et d’un protocole compassionnel plein de fourberies annonçant bien d’autres compositions dylaniennes dénonçant la justice inique américaine comme le fameux Hurricane.

4ème track de la face B de The Times They Are a-Changin', troisième opus du maître sorti en janvier 64, cette chanson relate un fait divers survenu un an plus tôt dans le Maryland. William Zanzinger, fils de maître planteur alcoolisé, mécontent que son bourbon arrive avec retard insulte, puis bât une domestique noire, Hattie Carroll. Elle meurt à l’hôpital. Le jugement condamne Zanzinger à seulement six mois de prison car la malheureuse souffrait d’hypertension artérielle et serait morte plutôt d’une hémorragie cérébrale due aux injures assénées par Zantzinger que sous le poids de ses coups.

Dylan insiste sur le fait que le jugement aurait été autre si le criminel n’avait pas été riche, possédant des relations politiques (« high office relations in the politics of Maryland ») et la victime une pauvre femme « who just cleaned up all the food from the table ». Dylan finit plein d’ironie : la justice, pleinement égalitaire qui inflige les mêmes sentences à tous (« even the nobles get properly handled »), condamne lourdement (« handed out strongly ») à six mois de prison le coupable.

La mélodie est envoutante et les paroles d'une exactitude et d'une lucidité à vous faire frissonner ; je joins à ce post un lien permettant d'en lire attentivement la traduction française.

Le document ci-dessous est exceptionnel, Dylan interprète cette chanson lors du « Steve Allen Show ». Cet extrait donne à voir le Dylan quintessenciel du début des sixties. La camera se risque timidement à observer les réactions du jeune public, tout aussi conquis par l'oeuvre qu'embarrassé par le sujet qu'elle aborde. Dylan les force à revisiter leurs certitudes et la vision qu'ils portent sur les contradictions d'un pays dont l'ouverture d'esprit et la prétention réformatrice n'est encore qu'une chimère.

Didier Boudet

PS : je vous conseille de lire l'entretien du jazzman Hank Jones accordé au journal Le Monde sur la musique et la société américaines.


29 juillet 2009

America's got talent back to the roots of Rock’n’Roll

Il y a des choses qui vous tombent dessus, comme ça. Un plouc - Kevin Skinner - vient avec sa guitare dans une émission de reality show à la con. Tout le monde se fout de sa gueule, David Hasselhoff fait l’arrogant et la salle se gondole de rire. On se prépare aux jeux de massacre et on sait globalement comment ça va se terminer. Mais voilà, le mec gratouille quelques accords et pose sa voix dessus. Et en deux phrasés, il catapulte les remerciements condescendants, détruit les velléités moqueuses et anéantit toutes critiques à venir. Hasselhoff est debout presque au bord des larmes et ne sait plus comment dissimuler sa morgue passée.

Pourquoi, ce moment nous touche autant ?

Il y a dans cet instant, tout ce qui nous a fait nous intéresser et croire au rock : la simplicité, la sincérité et une voix - car je crois que le rock est avant tout une voix. En Kevin Skinner, nous percevons Elvis, Dylan, Springsteen. Merci à America's got talent back pour ce morceau d’âme de rock’n’roll.

Q.U.

Cliquez sur la photo ou bien allez sur cette page de YouTube.

27 juillet 2009

Philippe Manoeuvre parle du Blue Öyster Cult

Dans cet extrait de l’émission Juke-box (mensuel rock qui passa sur Antenne 2 de 75 à 78) créée et animée par Freddy Hausser (nous reviendrons plus amplement sur ce passeur dans quelques temps), Philippe Manœuvre, pas encore cultissime et connu uniquement des lecteurs de Rock & Folk, apparaît pour la première fois à la TV.
Son intervention sur le Blue Öyster Cult est fondamentale et décisive à plus d’un titre :
- Premièrement, Manœuvre appréhende le rock historiquement.
- Deuxièmement, il produit une analyse de fond - la chanson du Blue Öyster Cult, « Stairways to the Stars », explique Manœuvre, dénonce avec pertinence l’univers du show-biz rock où les stars affichent des vertus qu’ils ne pratiquent pas - définissant ainsi le rock comme porteur de sens et décryptant le monde qui l’entoure.
- Troisièmement, Manœuvre s’affirme avec dogmatisme adoptant un ton presque professoral désamorcé légèrement par un dandysme discret.
Ces trois éléments : la vision historique, l’analyse de texte et le ton confirment que le rock ne peut être abordé comme un simple phénomène de teenagers retardés mais plutôt comme une manifestation culturelle à part entière. Manœuvre parachève ainsi le travail de Rock & Folk qui consistait, sous l’impulsion de Koechlin (nous reviendrons bientôt sur lui prochainement), à aborder le rock avec le même sérieux critique qu’Art Press ou Tel/Quel.

PS: soulignons la participation de Marc Zermati et de Christian Lebrun du magazine Best. Nous consacrerons également un ou plusieurs articles à Marc Zermati prochainement, génie incontournable des années 70/80. Je sais, on a du taff sur les claviers.

Q.U.

24 juillet 2009

Dylan and Donovan - Dont look back

En 1965, Bob Dylan entreprend une tournée en Angleterre. D.A. Pennebaker le suit avec sa caméra et livre son premier documentaire musical « Dont look back » - suivront « Monterey Pop » et « Ziggy Stardust and the Spiders from Mars » etc. Dylan incarne le renouveau folk, musique véritablement contestatrice loin des vagues marchandes pop qui ont pris d’assaut les ondes américaines et les jeunes esprits. Mais, Dylan est à un tournant de sa carrière, il a électrifié sa musique avec l’album « Bringing It All Back Home » sorti quelques mois plus tôt et une partie de son public l’accuse de haute trahison. Dans une chambre d’hôtel, Donovan vient lui rendre visite. Clone Dylanien, Donovan est, en 64, le Hugues Auffray british préparant sa mutation en vedette folk pop, image et sonorité dont on se souviendra essentiellement.

Lunettes noires vissées sur le crane, Dylan écoute sérieusement et chaleureusement Donovan interprétant « To Sing for You », extrait de son premier album ; Donovan incarne parfaitement le Dylan de Freewheelin'. Le morceau achevé, Dylan s'empare de la guitare et chante « It's all over now, baby blue ». Donovan comprend la nouvelle direction et sait désormais où ses accords le mèneront.

23 juillet 2009

Lorsque Liszt (Roger Daltrey) rencontre Wagner

Il y eut un temps où le chanteur des Who, Roger Daltrey, las du rock et de son groupe s'initia au cinéma. Ce fut d'abord Tommy (le film) - l'opéra rock de son compère Pete townshend porté à l'écran par Ken Russell ; puis, Lisztomania, réalisé par le même Ken Russell. Les critiques de l'époque enterrèrent le film... Mais 30 ans après, c'est savoureux et malin !
Q.U.



Lisztomania (1975) de Ken Russell