
Lui qui souhaitait entrer dignement dans les ténèbres s’en voulait presque de nous laisser à notre triste sort d’humain, balloté dans une décennie triste où nos rêves, nos chimères s’apprêteraient à quêter vainement, après sa disparition, un nouveau troubadour capable de confectionner aux tourments de leurs âmes de si beaux écrins mélodiques.
Dimanche à l’Elysée, jour chômé pour le commun des mortels mais savamment exploité par cet artisan rigoureux de la scène où Alain semble-t-il se sentait plus chez lui que dans les éprouvettes dans lesquelles sa créativité somnambulique accaparait le cerveau des plus tatillon des arrangeurs sonores.
Tardivement métamorphosé en Léonard Cohen métaphysique, chapeau vissé et costume ténébreux, Alain Bashung avec une détermination sans faille continuait à sillonner la France pour faire baigner dans une trainée de poussière lumineuse des salles de plus en plus remplie ; adorateurs rassurants qui mettaient du baume sur l’angoisse du trépas approchant. Ces fans, mués pour des raisons éparses en consolateurs anonymes mais vitaux, ne boudaient pas leur plaisir et se targuaient d’une responsabilité grandissante, celle de maintenir au pays des vivants par le témoignage de leur admiration nutritive la silhouette amaigrie du génie, le remerciant de 30 années dépensées au service de la grâce. Cette innovation permanente, ces explorations douloureuses dans les atolls des âmes atomisées aboutirent à une œuvre d’un tel raffinement émotionnel qu’elle ne pouvait trouver sa triste issue que dans une destruction méthodique dont son corps révéla tardivement les stigmates.
Disant de trop belles choses, nous faisant ressentir des émotions souveraines, on avait fini par croire Bashung immortel, par le penser divinement hors du monde, ça n’était pas le cas et nous l’apprîmes un triste soir de mars, mois pénible, dieu d’une guerre sournoise où le brillant interprète de La nuit je mens du renoncer à se battre.

Dimanche à l'Élysée : Comme un légo - Je t’ai manqué - Hier à Sousse - Volontaire - Mes prisons - Samuel Hall - Vénus - La nuit, je mens - Je tuerai la pianiste - Légère Éclaircie - Mes bras - À perte de vue - Happe - J’passe pour une caravane - Everybody’s Talkin’ - Osez Joséphine - Fantaisie militaire - Madame rêve - To Bill (Calamity Jane, en duo avec Chloé Mons) - Vertige de l’amour - Malaxe - Angora - Nights in White Satin (Barclay Records - Universal)
2 commentaires:
J'ai vu ce disque. J'ai presque peur de l'acheter tellement ca va me retourner le bide. :(
I enjoyyed reading this
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