04 mars 2010

Bob Dylan chante pour Barak Obama à la Maison Blanche

Dylan ne se déplace jamais sans une raison crédible. Son impact sur les foules est conséquent ; et voir ce sexagénaire à la voix chevrotante mais à la lucidité intact, c'est contempler l'Amérique dans les yeux. Sur un plan politique, Dylan a fait, durant ses quarante cinq ans de carrière, bien plus que tous les gouvernements américains en 150 ans d'exercice de pouvoir, rendant à l'art populaire toute sa dimension subversive, sa richesse émancipatrice.

Dans des textes d'une ironie froide, il relevait déjà les injustices flagrantes dont la communauté noire était la victime dans les années 60, des chansons que j'ai commentées sur ce blog y font référence. Même si sa dernière apparition officielle à la Maison Blanche date de 1997 (invité par Bill Clinton, amateur de longue date du Zimm), il n'est pas inutile de répéter que Bob Dylan était présent lors de la Marche sur Washington le 28 août 1963 avec Joan Baez et Mahalia Jackson où plus de 200.000 pacifistes se rassemblèrent pour dénoncer le traitement scandaleux infligé à la communauté noire. Le compositeur âgé alors d'une vingtaine d'année interpréta Only a Pawn in their Game peu après que le pasteur King eu prononcé son célèbre discours "I have a dream".

Ses apparitions inscrites dans le cadre d'une véritable démarche politique sont aussi rares que marquantes car elles ne promotionnent aucune idéologie en soi mais tiennent à légitimer une ligne de conduite indéfectible dont Dylan ne saurait se départir. La notion pasolinienne de poète organique, non pas dépendant d'une affiliation partisane, mais mue par la dimension d'un verbe démiurgique qui peut, par la puissante déflagration des images, faire basculer la fatalité des pressions historiques, est une expression qui, dans le cas d'un chantre aussi populaire que Dylan, peut vêtir sa démarche sans trop porter préjudice à l'idée qu'il se fait de son art.

Son apparition auprès d'Obama la semaine dernière où son interprétation des "temps changent" n'a pas trop déçu son auditoire, malgré une voix désormais abimée par les effets du temps, et, donc, émouvante à plus d'un titre. Dylan dont l'harassante quête de vérité et l'énergie qu'il a prodigué pour la mise en lumière des causes justes et des situations inacceptables n'est pas étranger à l'indéniable évolution de la mentalité américaine. Sa prose, puissante, souvent onirique mais toujours en prise direct avec la réalité, constamment prophétique, et intelligemment dénonciatrice, est le paravent absolu contre l’obscurantisme idéologique, les enfermements dogmatiques et la parole creuse, souvent inefficace, des leaders politiques.

Même si le symbole Obama est plus tangible que sa marche de manœuvre véritable, il est indubitable que la présence de Dylan aux côtés d'un Président dont l'existence, en elle seule, valide et légitime l'acharnement presque mystique que ce grand créateur a placé dans le défrichage perpétuel des nouveaux territoires de la langue et la neutralisation des préjugés collectifs. Sa présence est un baume fiévreusement attendu sur une blessure historique encore très perceptible, et la promesse d'un avenir radieux où le combat pour une justice plus apparente demeure toujours aussi décisif à mener.

Souhaitons que la nouvelle génération malgré l'intérêt un peu hâtif qu'elle porte aux épigones de Dylan, par paresse, incompréhension, ou stigmatisation volontaire de certaines élites qui ont judicieusement tenté de caricaturer le compositeur le plus doué du XXème siècle pour en faire le pantin de lui-même et donner à son lyrisme incantatoire des allures de monologues hallucinés (alors que son style est la synthèse absolue entre la puissance de l'écriture et l'ancrage temporel dans des problématiques incontournables des sociétés).

Certes, les chansons de Dylan sont longues, lancinantes, faussement uniformes ; sa voix est très particulière et les arrangements plutôt dépouillés, mais on ne peut passer en flâneur sur les avenues d'une œuvre devenue nécessaire au maintien de notre santé morale. Il faut écouter Dylan, apprécier ses chansons, décrypter ses paroles, saluer son audace et estimer à sa juste valeur ce que le citoyen le plus indifférent à son oeuvre lui doit sans même pouvoir le reconnaître.

Une voix, quelques mèches en bataille, un harmonica cabossé et une guitare aux cordes molestées ont donné à nos vies, celles de nos parents, les nôtres et celles à venir une coloration qui nous permettra un jour de regarder le soleil, et donc, la vérité sans avoir à cligner des yeux devant tant d'évidence.





Partager cet Article:

Facebook Twitter Technorati digg Stumble Delicious Flux RSS

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau post, il permet de nous rappeler combien ce vieux Bob est indispensable a la musique populaire malgré une voix qui ferait pâlir de jalousie tous les chanteur de hard metal lol.

-Twist- a dit…

Superbe article, vraiment. Ca vaut le détour (je fais tourner là parce qu'il le mérite). Tu as tout dit sur Dylan, son importance et même sur la façon de l'appréhender et de l'apprécier. J'aurais aimé être capable de pondre un article pareil. Chapeau.

Anonyme a dit…

Malgré les critiques de toutes sortes Bob Dylan reste mon chanteur préférer avec bien sur leonard Cohen ,il a marque plusieurs générations et , je reste convaincue que , d' autres en seront conquises ... Merci Mr Bob Dylan et je vous souhaite encore une longue vie