15 septembre 2009

Concert de Crosby, Stills, Nash à l’Olympia de Paris - 1

David Crosby, Stephen Stills et Graham Nash, devenus des vétérans du folk-rock, se sont produit à l’Olympia de Paris le 4 juillet 2009. Retour sur un concert pas banal et occasion d’estimer le temps écoulé. Résumé de notre explorateur auto-désigné.

L’Olympia, une heure avant le concert. Le serveur d’un café luxueux jouxtant l’Opéra m’apostrophe et voit dans ma coiffure un hommage non dissimulé au chanteur dépigmenté récemment disparu. Je réceptionne la vanne avec malice, mais venant pour évaluer d’autres performances que la faculté des doseurs de cocktails, je n’ai pas le cœur à rebondir sur le trampoline de sa dialectique.

Et apparait l’Olympia dans la moiteur d’un après-midi finissant. Une douce effervescence se déploie tranquillement sur le bitume des vacances approchantes et caresse de son écume langoureuse les abords tant convoités de l’édifice. Un silence, zébré, ça et là, de quelques chuchotements révérencieux, me laisse aisément deviner la moyenne d’âge des personnes qui rempliront la salle et s’ajoute à l’étonnement suscité par la visite inattendu d’un groupe qui n’a jamais considéré la France comme une destination cruciale.

Après avoir fait quelques pas pour planter mes repères sur le trottoir crasseux, quelque chose m’interpelle, un truc bizarre jure entre le feuillage agaçant d’un platane à la teinte corrompue par la toux des voitures. Je lève un peu la tête, je plisse un peu les yeux. Non, l’anniversaire du petit fils n’était pas trop été arrosé ; Mulder et Scully ne m’ont pas refilé un dossier rempli de révélations pernicieuses. La vérité est bien là, pas ailleurs. L’Amérique de nos vingt ans n’a pas encore démissionné. Elle squatte bel et bien le burlingue encombré de l’histoire, à mon grand ravissement. Pour preuve: l’un des plus grands groupes de pop est dans la capitale pour nous faire oublier 50 ans de vociférations hallydaysques. On va enfin pouvoir se décaper les tympans.

Crosby, Stills and Nash en lettres rouges. On bloque. L’anachronisme de la situation ferait couler des larmes. Nous sommes en 2009, et des troubadours en santiags vont nous faire remonter le temps avec des riffs millésimés. Y a de quoi fantasmer pour un kid comme moi, paumé dans la tourmente consumériste du second millénaire. Forcément, les Minolta sont de sortie. Ca mitraille à tout va. Les guérilleros de l’album souvenir se régalent et si le fronton du temple de la variétoche hexagonale était une fresque du Quattroccento, la flamboyance de ses couleurs auraient déjà été anéantie par les crépitements affolés des appareils numériques.
Y a un peu de tout sur le boulevard des capucines, et même les vieux beatniks qui s’attroupent se font reluquer comme des bêtes curieuses par des passants troublés, pour qui les seventies rimeront toujours avec les niaiseries nasillardes de Cloclo ou le roman icaresque cent fois relu d’un Mike Brant qui se fit très mal la première fois qu’il tenta de planer avec la came des autres.

Des slimistes (adepte du jean slim, N.D.L.R.) contournent rapidement la foule en train de se former devant l’Olympia, un sourire de touchante incompréhension se lit sur leur visage d’angelots code-barrisés. Le nom du groupe le plus influent des années Johnson leur est divinement inconnu, le miracle qui va se produire dans quelques instants décale à peine l’orientation étudiée de leur frange. Ils jugent avec ardeur nos piètres tentatives de faire tenir dans un cadrage difficilement réglable les trois prénoms cernés de rouge luminescent. Leur stratégie vestimentaire est un tel chaos de références mal intégrées (montre à quartz, coiffe de scooterist et pompes de danseur étoile sur t-shirt Disney) qu’on préfère ne pas répondre à leur condescendance. En expliquant trop longuement la dimension démiurgique de l’évènement qui nous occupe, nous ne ferions à coups de distinctions trop subtiles qu’accroître davantage leur confusion et leur mépris en serait fatalement ravivé.

Pas beaucoup de bruit, un soupçon d’impatience, j’apprécie la maîtrise émotionnelle dont nous faisons preuve, nous jouissons grâce à elle d’un recueillement salvateur. Le cœur aux aguets, les sens à l’affût dans la sentinelle des émotions canoniques, pas un accord de guitare, pas la plus ténue des irisations vocales ne sera négligée par nous.

On revend des places sans s’égosiller, et même les prédictions teintées d’amertume, les prophéties assaisonnées d’angoisse qui fleurissent d’habitude sur les tapis piétinés des portiques quand approche le début du concert sont ici totalement oubliées.

Un pacte secret s’est conclu parmi les membres privilégiés de cette messe. Nous savons que le don sera nécessairement supérieur à tout exercice de dissection analytique, eussions nous la plume aérienne et la tournure aisée. Le spectacle à venir plane à mille empans des supputations hasardeuses et même les musicophages itinérants de la presse spécialisée font profil bas ; la raison en est simple (un coup d’œil rapide sur le cv jauni des trois sexagénaires et l’auditeur lambda assimilera facilement les raisons de notre indulgence) : les membres du trio légendaire ont fait leur second concert à Woodstock, ont enregistré avec Jimi Hendrix, avaient pour camarade de pompe à bières Jerry Garcia, sont chacun issus des formations les plus influentes des années 60 - Hollies, Byrds ou Buffalo Springfield ; pour faire court, un labeur plutôt crédible les immunise à jamais contre la corrosion des médisances.

L’heure se hâte, impatiente de se jeter dans les bras de la minute ultime comme pour tous les vrais rendez-vous d’amour, les noces de diamant, les rêves de saphir que la platine accueille avec des frissons dans ses sillons brillants.

Une angoisse me saisit. Quel quidam apostropher pour qu’il immortalise ma présence en me photographiant sous la pierre de rosette où les signes cunéiformes de la pop culture sont incarnés par des tubes à l’infatigable incandescence ? Troubler un sexagénaire dans sa méditation vaporeuse serait vraiment criminel mais le souvenir a un prix, l’empaillage méthodique de l’instant une valeur que la morale du vivre ensemble réprouve avec énergie et quelques secondes après, je tapote avec des précautions appuyées l'épaule d’un papa pour que le brave monsieur puisse me rendre ce menu service.

20 hrs. L’instant fatal où dans tous les pavillons de province, l’hostie de l’intoxication élémentaire est cuite à point dans le four du journal télévisé et n’attend pour fondre avec dévotion sur les papilles de la crédulité populaire que le top-départ d’un encravaté sirupeux. Pour ma part, l’objet de ma dévotion puérile est une institution d’une obédience plus remuante : le folk rock éternel de trois gaillards qui survécurent avec bravoure à l’orgie Woodstockienne, la chasteté idéologique qui pourfendit quelques années après cette trop pure illusion, la guerre en Irak, l’invention du mp3 et les concepts traumatisants d’Endemol.

Panoramique enfiévrée sur la mosaïque exaltante des visages, des styles et des attitudes qui composent ce public atypique, guichet fermé, chakra ouvert, nous sommes nombreux, très nombreux à nous être pointés pour assister à ce live historique ; détenteurs de notre place depuis le jour où un quotidien national nous a pris par surprise en parachutant sur la zone irradiée des programmations actuelles la news surréaliste de leur passage éclair.

Nombreux parce que le premier album du groupe, paru en 1969, fut salué à peu près unanimement par la critique de l’époque, que le triple Woodstock se vendit plutôt bien et que le groupe aux cinq albums a connu un véritable succès en France. Il faut être borgne ou éméché pour ne pas dénicher sur une brocante en moins de dix minutes de flânerie un de leurs LP. Déjà vu se voit partout et un coup de sandale inopiné dans un bac à vinyles laissera s’échapper à coup sûr une demi douzaine de pressages de leur tanière en carton si vous n‘y prenez garde.

On poirote dans le hall pendant une bonne trentaine de minutes. Certains papys en profitent pour négocier quelques T-shirts ringards où la reproduction détrempée de la pochette du premier opus n’a pas couté plus cher qu’un cigarillo roulé par une cubaine de Maisons-Alfort. A peine acheté, déjà enfilé ; vision récréative que ces bedaines adipeuses détendant grossièrement les visages des songwriters à jamais affalés dans leur canapé sans ressorts. Qu’importe la faute de goût : on ne peut cruellement attaquer ce genre de dérapages quand s’avère inentamée le culte incroyable qu’une bonne partie du public voue depuis son plus jeune âge aux piliers (résistants) de la contre-culture.

Après avoir traversé sans embuche un service d’ordre adapté à l’inoffensivité du public, je pénètre tranquillement dans l’antre mystérieux, sombre caverne des amis babas pendant que des quinquas sémillants font mousser leur épouse en enjambant quatre à quatre les marches métalliques qui mènent aux rangées supérieures.

(la suite demain : le concert)

Didier Boudet

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6 commentaires:

Benoît a dit…

yes bien joué Didier !

Anonyme a dit…

c'est qui le type devant l'entrée? trop jeune pour être l'un d'entre eux, trop funky pour être jeune..
Il semble que ces vieux de la vieille ont un pouvoir étrangement fascinant.
en tout cas, très intéressant, cela donne envie de s'y pencher plus sérieusement. Merci.

Anonyme a dit…

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