17 septembre 2009

Finistériens, terriens finis et Miossec à bout de souffle

Finistériens, le nouvel album de Christophe Miossec réalisé par Yann Tiersen vient d’arriver dans les bacs.

En son temps, Miossec a fait d’une diction faussement laborieuse un style qui ne manquait pas de charme (Crachons veux tu bien, Je ne suis plus saoul) qui fut, il faut bien l’avouer, largement pillé depuis par ses épigones officieux ; mais, son écriture actuelle sous-entend des difficultés d’émancipation moins séduisantes.
Miossec, pour paraphraser une joute présidentielle canonisée par les souverains poncifs de la lucarne tragique, n’a pas le monopole de la mélancolie, Brest n’est pas la Byzance de la débâcle sentimentale et l’alcool même transfiguré par la souffrance du chanteur n’en reste pas moins un paradis artificiel dont l’apologie perpétuelle a fini par saouler. Le binôme Bretagne = Miossec est-il un jumelage indéfectible ?
Cette affirmation identitaire pouvait convaincre dans ses premières années d’exploitation, elle lasse après plus de dix ans de bons et boyaux sévices. Miossec devrait faire une pause pour laver sa bile et retrouver un peu de foi au milieu des épaves du passé et de ses ecchymoses. Ses inquiétudes sont devenues superflues, ses suppliques éculées, il les expose au premier quidam égaré sur sa déroute, guettant le clin d’œil complice ou la tape amicale sur un dos malmené par un coude qui n’en finit pas de glisser sur le lac infini des zincs glacés. Pourtant, nous l’aimons encore, et sa ville, mille fois plus ; qu’il ne soit pas inquiété. On espère simplement qu'un jour, Miossec découvrira dans sa terre d'inspiration, sa Garonne, son Plat Pays qui lui permettront d'échapper au cours ordinaire des choses. Sa contrée native ne fera pas la sourde oreille à ses tendres invectives, alors par pitié. Pourquoi nous répéter mécaniquement la difficulté d’oublier les amours passées et les joies trépassées dans le roulis des compromis existentiels ? Son concept guimbarde a besoin d’une bonne révision, son crachin n’est plus loin du crachat.
Miossec... Un dernier pour la route, et un autre pour la déroute, et cela à longueur d’album où Christophe rempile à cours d’idées. Pendant ce temps-là, le serveur se lasse, le garçon voudrait bien baisser le rideau sur les tristes redites d’un nanard ermite qui ne semble plus croire aux errances qu’il nous conte.
Mio est à sec et nous aussi, toujours les mêmes rêves de comptoirs, toujours les mêmes grèves battues par la pluie, et même celles des ouvriers dont Christophe sait encore correctement évoquer les déboires ne nous tirent plus que des larmes d’apparat.
Quand l’amer se retire de ses plages aux viscosités vaguement nombrilistes, on compte les algues qu’une langue maltraitée par une hâtive écriture a délaissé entre les récifs d’une inspiration arrivée à expiration. Le vers est vidé et l’ivresse a des raisons que le garçon ignore, dont il se fout, dont il se lasse et nous avec lui car les heures sup’ des cafetiers smicards ne sont pas rémunérées à la douleur des clients lessivés (Seul ce que j’ai perdu , A Montparnasse)
Néanmoins, Les Joggers du Dimanche est une agréable réflexion sur la caducité de nos résolutions urbaines malgré son titre aux consonances Delermiennes, Les Hommes de Paille parlant de la précarité du monde professionnel est adroitement composée et si le prophétisme éclairé de cette sombre rengaine mérite quelques louanges discrètes, CDD, lorgnant sur le même sujet, manque de finition et s’enlise stylistiquement dans des accords de guitare cent fois déployés sur les chansons des albums précédents.
Mais bon… Traduire l’aliénation contemporaine n’étant pas la priorité thématique des chansonniers chroniqueurs de notre pays, je lève quand même mon feutre percé à la gloire de cette soudaine poussée d’âcre lucidité et m’en vais écouter le dernier fait d’arme véritablement digne du talent de Christophe Miossec, l’album 1964 où la quarantaine du loup de mer, parfaitement négociée, donnait de la beauté à ses rides approchantes. C’était il y a cinq ans, devrons-nous patienter aussi longtemps pour retrouver, boosté par la menace d’un âge symbolique, l’auteur qui autrefois savait si bien faire chavirer nos âmes ? La barque est au port, attendant sagement la clémence des ondes, espérons qu’elle ne prendra pas l’eau d’ici-là.

Didier Boudet

Finistériens (Pias) - Sortie de l'album le 14 septembre 2009
Seul ce que j'ai perdu - Les Joggers du dimanche - À Montparnasse - Les Chiens de paille - CDD - Nos plus belles années - Jésus au PMU - Haïs-moi - Fermer la maison - Loin de la foule - Une fortune de mer

Christophe Miossec (site officiel)

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5 commentaires:

-Twist- a dit…

Magnifique chronique! Vraiment!
Pas encore eu le temps d'écouter le dernier Miossec, si ce n'est les trois premiers titres.
Avant ça, j'avais lu que c'était son plus bel album depuis 'Baiser'. Moi qui avait tant aimé '1964' - "l’album 1964 où la quarantaine du loup de mer, parfaitement négociée, donnait de la beauté à ses rides approchantes" - (mais 'L'Etreinte' aussi), je m'attendais un peu circonspect à un chef d'oeuvre. En plus, Tiersen.

Trois titres donc plus tard, j'ai arrêté, pensant que je n'étais pas dans un moment propice à l'écoute d'un Miossec: j'ai trouvé les textes vraiment mauvais, couchés sur le papier parce qu'il n'y avait plus de containers verres.

Ces trois titres m'ont déçus. Ta critique ne me dit rien qui vaille. Ne me reste donc plus qu'à prendre mon courage à deux mains, m'apprêter à être déçu (pour être mieux satisfait) et lancer la musique.

ICI TAILLAC a dit…

Autant ta chronique sur le dernier J.L MURAT m'as seduite que celle sur MIOSSEC me fait mal au ventre.J'ai bien écouté moi son FINISTERIENS et non je vois pas encore couler le navire.Il est de ces rares artistes qui peuvent sortir une bonne chanson et à qui on pourra tout pardonner par la suite.J'ai rien encore a pardonner en écoutant le dernier Miossec.Non rien ne m'indispose dans ce disque au contraire.Depuis BOIRE(1995)ma consommation de bourbon et de prozac a due bien diminuer.Ma vie de couple elle,est des plus épanouie au regard du passé.Alors quoi mon cher faut il n'être qu'un looser magnifique à vie pour apprecier les chansons de ce breton ? Tu l'as oubliés hein ? REGARDE UN PEU LA FRANCE.De toute façon on ne devrait parler que des artistes que l'on aime ton article s'enfonce dans un verbiage impropre (tu dois cependant aimer comme moi LESTER BANGS)alors voilà tu te plantes a mon humble avis.Allez !!!S'il y a une pierre a jeter sur MIOSSEC tu la balance à coté et là c'est peut etre son copain CALI qui la prendra dans la geule la cailliasse.Tiens,voila sur qui devrait porter une de tes prochaine chroniques.Pour conclure, j'ai l'air comme sa mais j'adore ton blog,merci pour tout le reste

Anonyme a dit…

Il aura fallu 10 ans pour avoir quelque chose d'intéressant à lire sur ce chanteur... Pour un breton je ne suis certes pas chauvin, mais pour un breton je suis lassé de toutes ces fanneries bretonnantes, à défaut d'être franchement bretonneuses.
Tiersen, c'est bien, Miossec aussi, mais c'est chiant, dégoulinant d'émotions cadrés, formaté pour un public perturbé. Je sais, moi aussi je suis perturbé. Tiersen à bien réussi à m'extirper une larme là où le cadavre de michael à échoué. Mais bon, peut-être ai-je déjà trop bu pour aujourd'hui. Cul-sec donc!
En tout cas, sur la photo, il cherche à faire son Bashung, et rien que ça, devrait nous faire sursauter.
Que dirait-on de slimy s'il cherchait à ressembler à prince?
heu non rien...

Miguel a dit…

Superbe chronique.
Je découvre Miossec et je suis tombé sur ton blog par hasard.
Je suis très déçu par les textes "gnangnan" de cet artiste. J'avais, dans mes souvenirs, des textes plus percutants. Mais tous les artistes ont droit à leur album faiblard, non?
Charlélie Couture est passé par là et à changé de métier.
Je vais écouter le fameux "1964" dont vous parlez...
Salutations

Anonyme a dit…

Arrêtes de bouder Didier, ton écriture est lourde, et là pour te dire la vérité, c'est toi qui me saoule.